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andreas-eric-ausseil-oeuvres

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Vous laissez voyager à travers le temps parmi mes œuvres peintes, dessinées ou écrites, de 1985 à maintenant. Des traits aux mots, du mouvement au vocable, de la couleur au signe, de simples ponctuations à suivre ou à poursuivre.


écriture...

Publié par Andreas sur 28 Mars 2018, 18:19pm

Catégories : #écriture

écriture...

Hier c’était l'anniversaire de mon père décédé depuis plus de dix ans, j'avais écrit cela au moment de la mort de mon oncle Pierre, être que j'aimais comme tous mes autres disparus... Je veux continuer à me souvenir de chacune et de chacun d'entre elles eux et par ces mots retrouvés raviver la mémoire de leurs empreintes à toutes et tous...

 

C'est une lettre à ma famille, qui me contient toujours...

 

A ma famille… Toutes… Pleines et entières…

 

Il n’y a pas de mots pour signifier l’absence dans ce qu’elle a de plus cruelle : la perte d’un être cher, d’une âme-compagne-aimante-douce.

Et en même temps si…

Ce sont les mots qui nous forment, qui nous signifient, qui nous donnent une réalité, qui permettent de conserver la trace, l’empreinte, la marque, la valeur, la profondeur tant des choses que des êtres. Les mots nous attachent à une réalité : la nôtre, la vôtre, la leur…

L’absence de Pierre, je ne peux la nommer qu’avec mes vocables, dans mon esprit c’est autre chose…

D’ailleurs, désormais cette absence est plurielle… Elle s’est unie à d’autres, à tous ces spectres aimés qui nous accompagnent, toutes ces âmes qui se sont évaporées autour de nous.

Notre famille a perdu beaucoup de ses membres, le corps n’est plus entier. Il lui manque des parties. Elle est désormais disjointe et pourtant c’est en nous rassemblant tous –chacun, les couples, les enfants, les solitaires - que nous pouvons nous retrouver. Et ainsi fait saisir profondément ce que nous sommes. Une entité partielle si nue et si fragile quand elle est seule.

La famille on s’en désunit un jour… Mais, finalement, lorsque le temps passe – et il passe tellement vite – on se rend compte qu’il n’y a plus qu’elle qui nous fait exister vraiment.

C’est l’affaire de peu de choses, des regards, des moments, des instants arrachés à quelques minutes de bonheur retrouvé… Des fragments si fragiles dans lesquels la mémoire s’engouffre ensuite pour y retrouver la couleur, la densité, l’apparence des choses qui ont existé.

Il en va ainsi des êtres, de nos corps disparates. Pour exister, il leur faut une image solide, un moyen d’apparaitre, d’exister, de se contenir.

Ces derniers temps -disons quelques petites années- j’ai opéré un retour vers chacun d’entre vous, par besoin, par nécessité, par volonté de partager à nouveau ce que je contiens et de prendre également votre contenu lumineux, cette beauté et cette fragilité que vous recelez tous. Tout cela à travers des moments simples, délicats, banals et vrais. Et j’ai ainsi retrouvé les choses toutes bêtes de la vie, qui nous font aimer autrui dans ce qu’il a de plus nu.

Son regard et sa voix.

Au-delà du corps, c’est ce qui demeure pour moi.

Ce qui force toute apparence.

 Le regard et la voix.

Le regard et la voix si douce de Pierre, cette apparence si tranquille… Elle fait partie intégrante de mon enfance dans ce qu’elle a de plus délicate. C’est l’image qui s’est imprégnée en moi, que je conserverai pieusement. Comme un fruit tendre dans lequel je mordrai afin de retrouver l’essence, le goût vertigineux de la vie… Vie qui ne cesse de côtoyer la mort.

Notre finalité à tous…

A chaque perte, le mot est nommé, ce mot sur lequel nous ne cessons de suspendre nos craintes. Finalité…

Échéance.

Disparition.

Absence.

 Vide…

Mais avec eux, reviennent chacun de nos fantômes, de nos compagnes et compagnons disparus, que nous rejoindrons peut-être, nul ne sait.

Pour ma part, j’ai toujours cru que ces disparu(e)s existeront tant que nous nous rappellerons, que nous nous souviendrons, que nous les nommerons, que ce soit avec des pleurs, des larmes, des cris, mais aussi avec du rire, des chansons, des paroles folles, des souvenirs déments, ces moments chaleureux de pur plaisir, ces jouissances partagées ensemble.

Aussi bien la haine que l’amour qu’Ils-Elles nous ont fait éprouver, le tout emmêlé, disparate, disjoint ou réuni, avec tant de facettes miroitantes dans lesquels nous nous réfléchissons, qui nous renvoient tant de reflets, de morceaux bruts pas encore débarrassés de ses impuretés.

Mes disparus, vos disparus.

Des prénoms que l’on hésite à convoquer de peur de se retrouver pris par la fulgurance de la réalité et du deuil si douloureux, qui nous apportent tant de souffrance, de peurs innommables, imprononçables.

Bernard, Michèle, Monique, Jean-Pierre, Maurice, Jean, Simone, Guy, André, Alain… D’autres encore, que vous nous connaissez pas… (Ces prénoms je les garde en moi aussi précieusement, avec autant de délicatesse) Ces prénoms jonchent ma route. Ces prénoms accompagnent ma marche silencieuse dans la forêt buissonnante de mes rêves. Car c’est ici que je les convoque le plus souvent ou qu’ils se rappellent à moi.

Alors, ils existent.

A la suite des empreintes que je laisse. En d’autres marches…

D’autres marches encore.

Ces moments solitaires dans la ville, dans la nuit, près de la mer, auprès de quais vides, dans cette solitude si profonde, si vertigineuse que l’abîme qui s’ouvre alors nous fait sursauter violemment, effaré par la brutalité soudaine de la réalité.

En ces moments où nous nous retrouvons face à nous-mêmes, sans quiconque pour nous accompagner. Face à un miroir, à un pauvre reflet tremblant, notre visage déconfis, si seul, si pauvre, si esseulé. C’est en ces moments alors, dans ces marches brusques, qu’ils reviennent nous hanter gentiment, sûrement, malicieusement, nos spectres aimés.

Avec une odeur, dans la fumée trouble, en une vapeur bleue, une volute éthérée, à la flamme maigre d’une bougie prête de s’éteindre, dans ce souffle incroyablement ténu, se tient alors la force de notre mémoire. 

Nos souvenirs reviennent.

Des images plus vivaces encore.

Comme une cinématographie intime où se déroulent nos scénarios les plus fous. Chacun se rassemble et s’unit. Les empreintes laissées ne sont plus solitaires. Les bouches nous soufflent des vocables incroyablement purs. Car chacun d’entre eux possèdent tant d’énergie.

A la mémoire de chacun, dans la souvenance des choses terribles et douces des moments passés ou oubliés avec chacun d’entre eux, se déroule le film ténu de notre propre existence dans ce qu’elle a de plus déroutante, d’inouïe et d’unique.

Voilà… Je pourrais continuer à écrire, car l’inspiration de leurs voix emmêlées me porte à inscrire sur cette virginité trouble de la page blanche des traces ombragées et profondes.

Mais il faut aussi savoir se taire, éteindre sa parole afin de retrouver un profond silence. Silence qui contient en son essence leurs paroles les plus nues et les plus fragiles, les plus sombres et les plus sensibles.

 

Alors je glisse ma voix près de la vôtre afin d’entonner le chant silencieux du deuil en lequel je me recueille, accompagné par les pensées des mondes que leur présence et leur absence ont formées…

Silencieusement, je demeure muet… dissonant… bruyant… souffrant et aimant…

Avec tous mes cris et mes mots…

Je vous aime…

Eric.

 

Aubervilliers, le 21 avril 2013.

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